Entre ombre et lumière: les jeunes et l’art du rétablissement en santé mentale

Un regard approfondi

Cette exposition explore le processus de rétablissement en santé mentale chez des jeunes, ainsi que les multiples façons de (sur)vivre qui façonnent leurs expériences de la jeunesse. Elle met en lumière des photographies issues d’un projet de recherche participatif mené avec des jeunes de 17 à 35 ans ayant un savoir expérientiel en santé mentale. Réalisées à l’aide de la méthodologie photovoix, ces œuvres offrent un regard sensible et critique sur les enjeux entourant les droits des jeunes, tout en témoignant de leurs forces, de leurs luttes et de leurs chemins de rétablissement.

Cette exposition vise à offrir un espace d’expression authentique, où les jeunes peuvent partager leur vision du rétablissement en santé mentale, tout en sensibilisant le public à la diversité de ces expériences. Les photographies présentées ici sont le reflet de leurs récits et témoignent de leur résilience, leurs actes de résistances, de leurs défis et de leur espoir.

Nous vous invitons à explorer les histoires puissantes et les expressions créatives capturées dans cette exposition web. 

Écoutez le discours d’une personne participante sur le projet:

La nature des liens

Le rétablissement, c’est aussi se sentir double : notre moi du passé et notre moi en construction sont intimement liés en étant parfaitement singuliers. Il y a du flou, mais on se tient debout. Il y a des matins sans contour où le coeur pèse plus lourd que le corps. Respirer dans le doute, avancer dans l’invisible et croire que demain portera un peu plus de lumière. Il y a du flou oui, mais dans le flou, il y a aussi de la douceur, de l’espace, du possible. Chaque jour debout est une victoire silencieuse.

Les lumières se reposent

Le rétablissement, c’est accepter que notre lumière puisse être réduite pour un moment. Les ampoules ne sont pas brisées, elles se reposent. Garder sa lumière pour soi, se fabriquer un petit cocon joyeux, est une bonne stratégie pour reprendre des forces. Le reste de la guirlande se remettra à briller pour les autres plus tard. Toutes les temporalités de rétablissement sont valides.

Se laisser dépanner

Parfois, j’ai l’impression que ma peine est trop grande et que personne ne saura vraiment me supporter, m’aider, accueillir ce trop-plein. Mais avec le temps, je découvre qu’il existe des bras assez vastes, des silences assez doux et des présences assez vraies pour m’accompagner, me dépanner. Il faut du courage pour demander et encore plus pour s’abandonner. Mais parfois, se laisser porter, c’est déjà guérir un peu.

Mauvaise herbe

Y parait que je suis
une “mauvaise herbe”
pour certains…

Y voudraient me piétiner,
m’asphyxier, me déraciner…

J’coûte trop cher, ca l’air!
en déficits: de temps, d’espace,
de profits, pis d’air!
Ah! mais ! J’existe !
Je Vis…et pis… J’y tiens, Oui.

Je revendique ce droit de fleurir
Ma résilience.
dans une sécure sérénité
du champ de mes possibles.

Je revendique ma valeur,
intrinsèque, ailleurs,
que dans les yeux des argentiers ; patrons ; banquiers.

Je me sens plus en paix, anyway,
dans le coeur des abeilles, pis des petits derniers
descendants de l’humanité…

J’en rêve!
mes pistils fertilisés
mes semences, parachutées
mes idées, propagées.
(olé)

signé: Taraxacum officinale

La rosée 1

‘Quand le jour se lève »

J’ai réussi !
à sortir du lit …

Dehors !
aux p’tites heures,
juste à temps pour la rosée…

Perles et diamants
incandescents
de beauté

Un jour à la fois,
je me relève
pour aller cueillir magie
les fruits de ma Vie

La rosée 2

Ave Maria

“Je veux passer mon Ciel
à faire du bien
sur la Terre”

n.b.
A ma façon !
même derrière les barreaux
de vos prisons 🙂

Ma maison verdunoise

Ma maison d’enfance. Voici ce qui représente ma décadence d’enfance en fleurissant du plus bas juste qu’au plus haut. Je suis devenue comme un oiseau. Je vagabonde en luciole. Allez tous on dégringole. J’ai cheminé pieds par pieds, terre à terre. Maintenant, vous savez que je viens de l’univers. Je suis devenue la personne que je suis aujourd’hui. Sans ça, je ne serai pas assez instruite. Je m’envole vers d’autres écoles. Avec ça, je survole vers le top.

Mon avenir, ma résilience, ma liberté, le plaisir de vivre en toute simplicité. Venez avec moi vers un pas en toute sobriété.

Départ d'une nouvelle vie DPJ

Ahhhh la DPJ !!!! Merci de m’avoir sauvé la vie. J’ai couru vers vous en sautillant comme un kangourou. En pleurs, en larmes, voici ce qui me charme. J’ai succombé aux problèmes de santé mentale de ma mère, comme de l’acharnement en cuillère. La difficulté du deuil et d’adieu vers le pas en famille d’accueil a joué beaucoup sur mon orgueil. J’ai été chavirée, chamboulée. Allez hop vers la destinée. La DPJ merci de m’avoir appris à vivre en harmonie. J’ai été forte tout en essayant d’être hot comme du scotch. Merci DPJ d’avoir fait partie de ma vie.

Débrouillarde. Polyvalente. Judicieuse.

Ma maison chamblyenne

Ma maison à Chambly remplie de colibris. Tous ces gens passés par ici ont fini par vivre de la mélancolie. Dans les débuts, de la joie, de la force et du courage. J’ai été parsemée d’ampleur par moments. Développement de mes habitudes de vie, apprendre à avoir une routine stable et une éducation. Ce début et cette fin de maison me rappellent énormément de bons comme de mauvais souvenirs. Aller à gauche et à droite. Allons tous à la baignade. Parler, crier, se laisser aller tout en restant bouche bée.

Les bons soupers, les bonnes nuits de sommeil, les mésaventures des filles de famille d’accueil. Les parents d’accueil qui parfois avaient un trop plein, car ils en avaient beaucoup à s’occuper. Aujourd’hui, je leur dis merci encore de nous avoir accordé chaque seconde et minutes à chaque enfant qui sont passés par là. Une belle cohérence et compréhension de tous les intervenants qui ont suivi dans cette maison-là. La patience, l’aptitude, la coordination et les moments de qualités passés ont eu une belle délivrance de certaines peurs chez moi.

Merci Chambly d’avoir fait partie de ma vie.

Qui peut Hide and Seek

Deux citations recoupent en partie mes réflexions, et les sentiments ambivalents que l’alcool représente : « Le présent disparaît et tu deviens mémoire. Tu te défais de tout, tes peurs, tes sentiments, tes désirs : tu les conserves, comme des habits qu’on ne met plus, dans l’armoire d’une sagesse que tu ne connaissais pas et d’une tranquillité que tu n’espérais pas. » « C’est une manière de tout perdre, pour tout trouver. (…). L’avenir est une idée qui s’est détachée de moi. Cela n’a plus d’importance. » (Alessandro Baricco, Océan Mer, pp.210-211).

Dans mes propres mots : se cacher/fuir les ennuis, fuir la réalité et les responsabilités pour ne plus ressentir ou au contraire ressentir, trouver un instant de calme émotionnel éphémère/dysfonctionnel, se sentir parfois prisonniers de cette échappatoire. Une échappatoire qu’on est nombreux à rechercher, tout en sachant ce que ça implique, mais on joue à cache-cache avec l’addiction, avec l’alcool triste ou colérique. Une envie de lâcher-prise mais une réalité qui nous rattrape. Est-ce que quelqu’un viendra me trouver ?

Faire des flammes dans une cuisine

Là encore une ambiguïté : jouer avec le feu/les limites pour se sentir vivant l’espace d’un instant. Un moment de déconnexion et de bien-être, plus ou moins intense et contrôlé, qui est à la fois éphémère et réitérable. Créer un tumulte pour faire une pause dans le tumulte. Dans ces flammes, il y a la résilience tout autant que la résignation, il y a de la joie et de la colère, de la tristesse.

Regarder avec d'autres lunettes

Sur une touche plus joyeuse, cette photo a été prise au travers de mes lunettes de soleil. Elle joue sur les expressions « voir la vie en rose » et sur l’idée de « changer de lunettes pour observer le monde ». Elle représente le bien-être d’avoir réussi à sortir de sa zone de confort/sa routine sans se sentir trop inconfortable. C’est un appel à s’extraire de ses biais et ses cercles vicieux internes, en essayant d’adopter un autre angle. Et les lunettes sont aussi un moyen de se distancer un peu de la réalité, de faire un pas en arrière et se sentir à demi-protégé.

Fuel

Un pot de verre rempli de concombres, de bleuets et de pois vert en suspension dans un liquide bleu. D’un point de vue littéral, elle représente la nutrition et l’hydratation. Contextuellement elle peut aussi faire référence à l’absorption du savoir (étude), la recharge et l’empowerment. Elle démontre la valeur de la préparation et de la prévention, mais aussi l’importance de l’eau (source de vie).

Move

Un soulier de course, une balle de tennis et quelques crayons de cire. Cette image évoque le mouvement, le jeu et le dynamisme. Elle témoigne non seulement des bienfaits de l’activité physique, mais aussi de la créativité. Utiliser le corps et l’esprit dans l’action et la productivité est favorable au maintien d’une bonne estime de soi.

Heal

Une petite tarte décorée d’herbes, de pétales et d’une bougie blanche. La dernière image aborde la question du repos et de la récompense. La tartelette honore l’utilité des plaisirs mondains et invite à en faire l’expérience en pleine conscience. Les garnitures servent à reconnaître et chérir la beauté que le moment présent a à offrir par la stimulation des sens tel que la vue, l’odorat et le goût. La bougie représente le rituel, la spiritualité et la chaleur. Le pouvoir dans la méditation.

Réalité figée

Selon moi, cette photo représente la difficulté de la vie. La neige représente le poids que je traîne sur mes épaules et l’arbre est l’humain éprouvant les difficultés. Lorsqu’il fait froid (ou que l’on traverse une mauvaise passe) tout devient plus lourd et plus insupportable. Ainsi, c’est plus difficile d’aller mieux.

Sommet impossible

Cette photo représente ma définition de la persévérance. Selon moi, la persévérance est l’élément clé qui nous permet d’aller mieux en santé mentale parce que c’est ce qui nous pousse à rester en vie et à continuer à se battre malgré les difficultés de la vie.

Sans titre

Le lac représente notre esprit. Quand la médication fonctionne et que tout va bien dans notre tête, le lac est calme. On peut y pagayer. Cependant, quand on traverse une mauvaise passe, il est mieux de ne pas s’y aventurer au risque d’aggraver la situation.

Sans titre

Cette photo montre comment le système de santé mentale et physique est binaire et hétéronormatif. Le peu de ressources qui ne le sont pas sont précieuses. Elle représente la charge vécue par les personnes qui prennent de la contraception. Cela devrait être un choix éclairé et pas un choix par défaut. L’éducation sur la santé sexuelle est importante et devrait être accessible. Elle démontre comment il est essentiel de sensibiliser les infirmières et les professionnels d’autres endroits comme les CLSC à ces enjeux. D’autres enjeux comme celui d’avoir une adresse fixe causent bien des problèmes aux personnes qui vivent de l’instabilité résidentielle.

Sans titre

Cette photo mentionne le rôle des services qui ne demandent pas la carte d’assurance maladie et la différence qu’ils font pour les personnes. Les services gratuits et accessibles sont essentiels. Elle montre combien on gagnerait en tant que société à donner plus de place à l’éducation sexuelle et combien l’accueil et la bienveillance peuvent faire une différence. Elle soulève l’importance d’être flexible quand c’est réaliste (par ex., accommoder les personnes sans adresse fixe). Inclure les enjeux de la diversité sexuelle et du genre est une importante réflexion (par ex., dans les ressources d’hébergement, mais pas que ces ressources non plus…). L’utilisation des moyens modernes et des technologies pour rejoindre les jeunes peut aider (par ex., le clavardage en ligne de façon anonyme, les textos, les réseaux sociaux et au minimum les courriels).

Sans titre

Cette photo communique le désir d’avoir un jour un accès égalitaire pour tous. Par exemple, il y a peu de personnes racisées qui fréquentent la ressource alternative où je vais régulièrement, ce qui est questionnable. Les personnes racisées accèdent plus difficilement aux ressources, dont celles en santé mentale et ce, même en l’absence de politiques discriminatoires. Elles manquent peut-être d’informations sur ces ressources. Malgré tout, ce ressource est vraiment un milieu de vie agréable où on se sent en famille, où l’emphase est mise sur l’autonomie des membres, où on ressent de l’accueil et de la bienveillance, où on considère la personne comme experte de sa propre vie et où on valorise l’expérience personnelle. Cette ressource s’adresse aux adultes vivant de l’anxiété. Depuis peu, il y a un espace spécial pour les plus jeunes adultes et les membres ont l’occasion d’y être pairs aidants. Récemment, il y a eu un groupe de soutien sur le thème de l’autocompassion. Cette ressource a aussi mise en place une toilette non binaire pour les personnes touchées par cet enjeu.

Sans titre

Cette photo démontre comment il est dur de trouver des ressources adaptées quand on est neuro divergent. Elle parle aussi de comment l’écriture aide parfois en s’écrivant une lettre à soi-même ou en écrivant ce qui nous arrive dans un journal. Elle soulève également l’importance d’avoir des moyens non verbaux pour s’exprimer comme la danse ou encore les arts visuels. Elle indique comment une routine et organiser son temps allège le mental. Sans oublier l’importance des interventions de proximité, cette photo rappelle l’utilisation d’applications gratuites qui aident la santé mentale. La technologie est de plus en plus accessible et on se demande à quoi on veut vraiment se connecter.

Pourquoi faisons-nous cela?

La majorité des recherches sur le rétablissement en santé mentale se concentrent sur les expériences des adultes. Cependant, le projet de recherche Le rétablissement en santé mentale selon une perspective basée sur les droits des jeunes vise à explorer et à comprendre le rétablissement tel qu’il est vécu par les jeunes, âgés de 18 à 35 ans. Ce projet prend en compte le respect de leurs droits à travers les services en santé mentale, afin de garantir une approche inclusive et respectueuse.

Pour ce faire, nous avons choisi la photovoix, une méthodologie de recherche qui permet aux jeunes de partager leurs expériences de manière visuelle et narrative. Les participant.e.s, jeunes adultes utilisant les services en santé mentale de divers organismes communautaires dans le Nord de l’île de Montréal, ont été invités à capturer des images illustrant leur vécu en lien avec le concept du ‘rétablissement’ en santé mentale. Ces photographies sont accompagnées de discussions de groupe, nourries par des questions structurées qui portent sur leurs droits, leur parcours de rétablissement, leurs expériences de santé mentale, et leurs relations avec les professionnels de la santé.

La technique est une méthode de recherche-action participative qui consiste à utiliser la photographie pour mettre en lumière les expériences vécues et dégager des enjeux importants pour les personnes et les communautés concernées. La dimension créative et visuelle de cette technique procure différents bénéfices, mais recèle aussi des enjeux sur le plan éthique (consentement, anonymat, visibilité, etc.) et méthodologique (recrutement, traitement et analyse des données recueillies, diffusion des résultats).

Ce projet a été réalisé en partenariat avec Espace Jeunes au Prise II et grâce au financement du Conseil de recherche en sciences humaines.

Contact

Emmanuelle Khoury

Université de Montréal, École de travail social
Pavillon Lionel-Groulx C. P. 6128, 
succ. Centre-ville Montréal
Montreal, H3C 3J7 QC

The Mental Health and Youth Protection research project is funded by the Canadian Institute of Health Research from 2023 to 2025. 

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